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Information presse

Progéria : résultats prometteurs d’une nouvelle thérapie génique chez
l’animal

Depuis quelques années, la recherche scientifique autour de la Progéria, maladie qui
entraine un vieillissement prématuré des enfants, avance à grand pas. En 2003 le gène a
été découvert par l’équipe de Nicolas Lévy et en 2008 douze enfants ont pu entrer dans un
essai clinique combinant deux molécules dans le but de ralentir les effets du
vieillissement précoce caractéristique de la maladie. Toutefois, les chercheurs
poursuivent leurs efforts, pour, cette fois-ci, tenter de corriger les conséquences du
défaut génétique à l’origine de la Progéria. Jusqu’alors aucun modèle mimant exactement
les effets de la maladie chez l’homme n’existait. Les travaux menés en étroite
collaboration depuis plusieurs années par l’équipe Inserm/Université de la Méditerranée
de Nicolas Lévy1 et Annachiara De Sandre-Giovannoli avec l’équipe de Carlos López-Otín
(Université d’Oviedo)2 a permis de créer un tel modèle. Le traitement des souris par
thérapie génique a permis de rallonger significativement la durée de vie et d'améliorer
plusieurs paramètres chez des souris traitées.

Ces travaux publiés le 26 octobre 2011 dans Science Translational Medicine ont été
soutenus par l’AFM grâce aux dons du Téléthon.

La Progéria est une maladie génétique rare. Les enfants qui en souffrent donnent l’impression
d’un vieillissement accéléré (cheveux rares, douleurs articulaires, peau fine et glabre, problèmes
cardiovasculaires). En 2003, l’origine de la maladie est identifiée par Nicolas Levy et son équipe
qui découvrent l'implication du gène LMNA codant des protéines nucléaires, les lamines A et C.
La mutation entraîne la production d'une protéine raccourcie, la progérine, qui s’accumule dans
les noyaux des cellules, et exerce un effet toxique provoquant leur déformation et différents
dysfonctionnements. Il a depuis été montré que la progérine s’accumule progressivement dans
les cellules normales, établissant un lien entre la maladie et le vieillissement physiologique.
En 2008, un essai clinique européen démarre chez 12 enfants atteints de Progéria. Ce traitement
repose sur une combinaison de deux molécules existantes : les statines (indiquées dans le
traitement et la prévention de l’athérosclérose et des risques cardiovasculaires) et les aminobisphosphonates
(indiquées dans le traitement de l’ostéoporose et dans la prévention des
complications de certains cancers). L’utilisation de ces deux molécules vise à modifier
chimiquement la progérine afin d'en réduire la toxicité. Cependant, si cette thérapie a pour
objectif de ralentir l'évolution de la maladie, elle ne permet pas de réduire les quantités de
progérine. Afin d'étudier cet aspect, il manquait aux chercheurs un modèle animal pertinent.
Un modèle "authentique" de Progeria…

Pour générer un tel modèle, les collaborateurs Espagnols et Français ont pensé à introduire
chez des souris une mutation génétique (G609G) équivalente à celle identifiée chez l’homme
1 Inserm UMR_S 910 "Génétique Médicale et Génomique Fonctionnelle", Université de la
Méditerranée, Faculté de Médecine de Marseille Timone et AP-HM
2 Departamento de Bioquímica y Biología Molecular, Facultad de Medicina, Instituto
(G608G) afin de reproduire le mécanisme pathologique exact en oeuvre chez les enfants, pour pouvoir le bloquer. Ces souris modèles ont été générées sous la direction de Bernard Malissen par la plateforme IBISA localisée au Centre d'Immunologie de Marseille-Luminy3. Cette démarche a permis d’obtenir des souriceaux qui produisaient la progérine, caractéristique de la maladie chez l’homme. Les souris mutées présentent à partir de 3 semaines de vie, des défauts de croissance, une perte de poids des déformations osseuses ainsi que des anomalies cardiovasculaires et métaboliques mimant le phénotype humain et réduisant considérablement leur durée de vie (103 jours en moyenne vs 2 ans chez des souris sauvages). La progérine produite s'accumule dans les cellules murines selon un mécanisme génétique (épissage anormal) identique à celui observé chez l'homme, à l'origine des anomalies caractéristiques de la maladie.
…pour une thérapie génique ciblée

Grâce à ce modèle animal unique de Progéria, les chercheurs se sont attelés à la mise en place d'une thérapie ciblée sur la mutation, afin de réduire et si possible d'empêcher la production de la progérine. Pour cela, ils ont utilisé la technologie dite des oligonucléotides antisens « vivo-morpholino ». « Cette technologie, explique Nicolas Levy, est basée sur l’introduction chez les souris malades d’un oligonucléotide antisens synthétique. Cette séquence sert à bloquer, comme dans la progéria, ou au contraire à faciliter la production d’une protéine fonctionnelle par un gène. Dans le cas présent, la production de progérine mais aussi de Lamine A issues du gène, ont été réduites».
Les souris traitées par cette nouvelle technologie ont ainsi vu leur espérance de vie augmenter de façon très significative, passant à 155 jours en moyenne avec un maximum de 190 jours.
L'équipe de Nicolas Lévy, toujours en collaboration avec celle de Carlos López-Otín, a l’intention de traduire ces travaux précliniques dans un nouvel essai thérapeutique à proposer aux enfants, éventuellement en association avec d’autres molécules pharmacologiques. D’autres recherches sont menées en parallèle afin de trouver des voies alternatives d’administration des oligonucléotides antisens.

Pour en savoir plus :

Splicing-Directed Therapy in a New Mouse Model of Human Accelerated Aging
Fernando G. Osorio,1 Claire L. Navarro,2 Juan Cadiñanos,1 Isabel C. López-Mejía,3 Pedro M. Quirós,1 Catherine Bartoli,2 José Rivera,4 Jamal Tazi,3 Gabriela Guzmán,5 Ignacio Varela,1 Danielle Depetris,2 Félix de Carlos,6 Juan Cobo,6 Vicente Andrés,4 Annachiara De Sandre-Giovannoli,2,7 José M. P. Freije,1 Nicolas Lévy,2,7 Carlos López-Otín1†
1Departamento de Bioquímica y Biología Molecular, Facultad de Medicina, Instituto Universitario de Oncología, Universidad de Oviedo, 33006 Oviedo, Spain. 2Université de la Méditerranée, Inserm UMR_S 910, Faculté de Médecine de Marseille, 13385 Marseille cedex 05, France. 3Institut de Génétique Moléculaire, UMR 5535 CNRS, 34293 Montpellier cedex 5, France. 4Departamento de Epidemiología, Aterotrombosis e Imagen, Centro Nacional de Investigaciones Cardiovasculares, 28029 Madrid, Spain. 5Servicio de Cardiología, Hospital Universitario La Paz, 28046 Madrid, Spain. 6Departamento de Cirugía y Especialidades Médico-Quirúrgicas and Instituto Asturiano de Odontología, Universidad de Oviedo, 33006 Oviedo, Spain.7AP-HM, Département de Génétique Médicale, Hôpital d’Enfants de la Timone,
13385 Marseille cedex 05, France.

Science Translational medicine, octobre 2011

Contacts chercheurs :

Nicolas Levy ou Annachiara De Sandre-Giovannoli
[email protected]
Contacts presse :
Inserm - Priscille Rivière
Tel : 01 44 23 60 97 - [email protected]
AFM - Anne-Sophie Midol
Tel : 01 69 47 28 28
[email protected]
Université de la Méditerranée Aix Marseille II II - Delphine Bucquet 06 12 74 62 32
[email protected]
3 La plateforme IBISA du Centre d'Immunologie de Marseille Luminy, vient de donner naissance au Centre d'Immunophénomique de Marseille
 

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Génétique et vieillissement

Annales de Biologie Clinique. Volume 59, Numéro 4, 431-5, Juillet - Août 2001, Dossier : Biologie du vieillissement (Réunion SFBC/Inserm, Paris, 23 novembre 2000)



Résumé

Auteur(s) : J. Tréton, Centre de recherches gérontologiques de l'Association Claude-Bernard, Inserm U. 450, Développement, vieillissement et pathologie de la rétine, 29, rue Wilhem, 75016 Paris.

Résumé : Deux découvertes fondamentales Récemment, deux développements majeurs en biologie moléculaire des organismes inférieurs ont montré que des gènes étaient déterminants pour le vieillissement. Les premières découvertes de la génétique du vieillissement débutent en 1984 par les travaux de Luckinbill [1] et Rose [2] qui établissent qu'un système de sélection artificielle permet de mettre en évidence la participation de gènes dans le vieillissement en obtenant des mouches à sénescence retardée. Une conséquence de ce travail est de montrer que la longévité est une caractéristique polygénique comme ils ont pu le démontrer chez Drosophila melanogaster. La seconde validation d'un rôle des facteurs génétiques dans le vieillissement a été montré par les études de Kenyon [3] et Larsen [4] dans lesquelles une mutation dans un gène unique s'est avérée moduler la durée de vie de Cenorhabditis elegans. Le résultat des études génétiques sur le vieillissement des invertébrés est très excitant, mais il n'est pas encore clair, a priori, que certaines informations obtenues soient applicables au vieillissement des mammifères, spécialement de l'homme. Mais la situation est en train de changer.


ARTICLE


Deux découvertes fondamentales

Récemment, deux développements majeurs en biologie moléculaire des organismes inférieurs ont montré que des gènes étaient déterminants pour le vieillissement.

Les premières découvertes de la génétique du vieillissement débutent en 1984 par les travaux de Luckinbill [1] et Rose [2] qui établissent qu'un système de sélection artificielle permet de mettre en évidence la participation de gènes dans le vieillissement en obtenant des mouches à sénescence retardée. Une conséquence de ce travail est de montrer que la longévité est une caractéristique polygénique comme ils ont pu le démontrer chez Drosophila melanogaster.

La seconde validation d'un rôle des facteurs génétiques dans le vieillissement a été montré par les études de Kenyon [3] et Larsen [4] dans lesquelles une mutation dans un gène unique s'est avérée moduler la durée de vie de Cenorhabditis elegans.

Le résultat des études génétiques sur le vieillissement des invertébrés est très excitant, mais il n'est pas encore clair, a priori, que certaines informations obtenues soient applicables au vieillissement des mammifères, spécialement de l'homme. Mais la situation est en train de changer.

Quelles questions se pose-t-on ?

En dépit de beaucoup d'effort, il n'existe pas de biomarqueurs fiables du vieillissement dans aucun organisme. Aussi le meilleur prédicateur de la mortalité reste la durée de vie elle-même. En conséquence, la génétique du vieillissement devient la génétique de la longévité.

Donc, l'analyse finale est celle de la durée de vie. Cela comporte en soi-même des vertus supplémentaires. Car la question qui est posée est celle de la base biologique de la maintenance de la vie, plutôt que celle des facteurs héréditaires contribuant aux maladies.

Dommages oxydatifs

Une des théories du vieillissement propose que les espèces radicales oxydées générées par le métabolisme provoquent l'accumulation de dommage au cours du temps. Deux à trois pour cent de l'oxygène sont convertis séquentiellement en radicaux libres incluant les anions superoxydes, le peroxyde d'oxygène, et le radical hydroxyle. Ils attaquent les protéines, les lipides et les acides nucléiques.

Récemment, les dommages oxydatifs ont été impliqués directement dans les processus du vieillissement à partir des expériences faites sur des animaux transgéniques pour des gènes codant pour des antioxydants. Par exemple, chez D. melanogaster, la surexpression de la SOD Cu/Zn et de la catalase entraîne une durée de vie de 34 % plus longue que celle des contrôles [5]. Une étude récente montre que l'expression de la SOD1 humaine dans les motoneurones augmente de 40 % la durée de vie de la drosophile [6]. Mais cela ne semble pas si clair que cela car des souris génétiquement invalidées pour la glutathion peroxydase GPX1, la SOD1, SOD2, ou SOD3 ne montrent pas un phénotype de vieillissement rapide. Il faut noter également que les SOD2 meurent à 8 jours d'arrêt cardiaque.

Chez C. elegans, les mutants age-1 vivent le plus longtemps, deux fois plus que le type sauvage, et ont des taux augmentés de SOD et de catalase [7]. Les mutants de longévité sont plus résistants au stress oxydatif ; ils ont plus de protéines de choc thermique et plus de résistance aux radiations UV. Le mutant de longévité mathuselah de la Drosphile est lui aussi résistant au stress oxydatif, aux hautes températures et aux privations [8].

Les mutations du gène clk-1 dans C. elegans entraînent un développement et un comportement rythmique ralentis et une durée de vie allongée. De façon intéressante, clk-1 est un homologue du gène CAT5 de la levure impliqué dans la synthèse du coenzyme Q, un des composants de la chaîne du transport d'électron de la mitochondrie. Or, le mutant clk-1 contient des niveaux réduits de coenzyme Q suggérant que tous les phénotypes de clk-1, incluant la longévité, pourraient être attribuables à un ralentissement du métabolisme.

Il est intéressant de noter que ces liens génétiques entre le vieillissement et les dommages oxydatifs sont trouvés dans des animaux dont la plupart des cellules sont post-mitotiques. Ces cellules sont plus susceptibles aux radicaux libres. Chez les mammifères, les organes les plus vulnérables sont le cerveau, le cœur et les muscles squelettiques.

L'instabilité génomique

L'instabilité génomique est connue depuis longtemps avec l'accumulation de changements génomiques : mutations ponctuelles, pertes de séquence d'ADN (ADNr), réarrangements, changements dans le nombre de chromosomes. Mais la faible fréquence de ces changements génomiques, même chez des sujets âgés, jette un doute sur leur importance dans le vieillissement. Actuellement, seul le problème des télomères pose encore question.

L'ADN ribosomal

Chez la levure, un lien causal entre l'instabilité génomique et le vieillissement a pu être montré. Dans ce système, la division cellulaire est asymétrique, donnant naissance à une grande cellule mère et une petite cellule fille. Le vieillissement se manifeste par deux phénomènes : le nombre limité de divisions cellulaires et des changements de phénotype de la cellule mère avant de commencer la phase de sénescence.

Le rythme du vieillissement de ces cellules mères est dicté par des changements de l'ADNr. Ce processus est génétiquement contrôlé par SIR4. Ce gène induit l'atténuation des télomères et du locus de la reproduction (HML et HMR). Des mutations de type perte de fonction raccourcissent la durée de vie, alors que des mutations de type gain de fonction augmentent la longévité. Ce dernier mutant provoque la relocalisation du complexe SIR des télomères vers le nucléole. La conséquence de cette relocalisation est le démasquage du locus HM provoquant l'expression d'un gène d'accouplement particulier et d'un phénotype de stérilité lié à l'âge.

L'ADN hélicase WRN

Un autre lien entre le vieillissement et le nucléole provient des études faites sur le syndrome de Werner, lequel est dû à une mutation de type perte de fonction dans un seul gène WRN. Cette maladie appartient à une des classes de progeria humaine. Ces maladies héréditaires sont caractérisées par une durée de vie plus courte et un ensemble de changements prématurés qui ressemblent au vieillissement. Ici, le lien entre longévité accrue et implication de ce gène dans le vieillissement est clair. En revanche, le lien entre vieillissement normal et ce gène muté est moins certain.

Le gène WRN a été cloné et on a montré qu'il code pour une hélicase à ADN de la famille de Rec Q. Un autre membre de cette famille est le gène BLM que l'on trouve chez les patients atteint du syndrome de Bloom ; on trouve chez la levure un membre de cette famille, le gène SGS1. Ce dernier cause un vieillissement prématuré chez cet organisme [9]. Les protéines sgs1 et WRN sont concentrées dans le nucléole de la levure et des cellules humaines. Cela renforce la possibilité que l'instabilité de l'ADNr soit une composante critique du vieillissement. L'hélicase BLM peut dissocier de l'ADN quadruplexe. L'absence de ces hélicases favoriserait les processus de recombinaison à partir des fourches de réplications créées dans l'ADN.

Il est actuellement trop prématuré pour discerner un modèle de changement de l'ADNr qui pourrait être informatif.

Le problème des télomérases

Les cellules somatiques normales accomplissent un nombre défini de divisions, et ont donc une capacité limitée à proliférer. Les télomères humains, de longues répétitions d'ADN TTAGGG aux extrémités des chromosomes, sont considérés comme des marqueurs d'une horloge moléculaire. Le raccourcissement des télomères [10] progressif et graduel à chaque cycle réplicatif est associé, par l'activation des voies pRB et p53 et l'instabilité génomique, à la sénescence réplicative, se terminant par un état de non division et de mort cellulaire. Il est possible que les cellules sénescentes s'accumulent focalement in vivo et que leurs physiologies altérées interfèrent avec les tissus dans lesquels elles résident. Par exemple, une sécrétion élevée de métalloprotéases par des fibroblastes sénescents peut dégrader le collagène dermique [11]. Des éléments en faveur de l'importance de la sénescence réplicative du vieillissement humain comprennent : 1) une corrélation faible entre la durée de vie in vitro réplicative et l'âge du donneur ; 2) une corrélation entre la durée de vie in vitro et la durée de vie maximum inter-espèces ; 3) une diminution de la durée de vie in vitro réplicative chez des sujets atteints de syndromes de vieillissement précoce.

Cependant, il existe des travaux contradictoires avec cette notion de raccourcissement des télomères lors du vieillissement. Premièrement, une étude transversale et longitudinale récente obtenue à partir de l'enquête de Baltimore indique que si le statut de santé et les conditions de biopsies du donneur sont contrôlés, il n'y a pas de corrélation significative entre l'âge du donneur et la durée de vie réplicative des fibroblastes en culture [12]. Deuxièmement, la corrélation inter-espèces peut aussi être également expliquée par une corrélation avec la taille de l'animal. Troisièmement, la durée réplicative des syndromes progéroïdes n'est pas homogène et leurs cellules meurent avant que leurs télomères n'aient beaucoup raccourci (ex S. Werner).

Il faut noter que certaines espèces d'animaux ont in vivo des télomères particulièrement longs, comme la souris. La situation liée au clonage n'est pas encore parfaitement résolue [13].

L' ADN mitochondrial

L'ADN mitochondrial est beaucoup plus vulnérable aux dommages oxydatifs et aux mutations que l'ADN nucléaire. De nombreuses mutations ont été observées [14], en particulier les délétions 4 977 pb et 7 436 pb, les mutations ponctuelles A3243G et A8344G. Ces altérations du génome augmentent exponentiellement avec l'âge dans les muscles ou les autres tissus humains. Ces mutations se produisent à un niveau assez bas (< 5 %). Elles sont associées à des myopathies et des encéphalo-myopathies. Les mutants de l'ADNmt coexistent avec l'ADNmt sauvage dans les tissus (hétéroplasmie). Habituellement, la sévérité clinique d'une maladie est corrélée avec la proportion d'ADNmt (muté) dans le tissu cible (usuellement > 80 %). Le seuil d'ADNmt muté qui est requis pour produire les symptômes cliniques varie avec les différentes mutations. À un même niveau, les délétions à grande échelle causent habituellement des pathologies plus sévères que ne le font les mutations ponctuelles. Le type de mutation et la demande énergétique des tissus atteints sont des facteurs importants pour déterminer les conséquences de la mutation.

Mais il faut noter que si les mutations de l'ADNmt s'accumulent et contribuent au vieillissement, elles ne doivent pas être une cause primaire. Ainsi, le mutant age-1 dans C. elegans qui code pour une PI-3 kinase qui confère une délétion de l'ADNmt, est malgré tout associé à un phénotype de longévité. Cela suggère que les délétions mitochondriales se produisent en aval d'autres événements du vieillissement qui sont plus directement impliqués par la mutation age-1.

Programmes génétiques

Un senseur et un pivot

Comme nous l'avons vu plus haut avec le complexe SIR, une réponse génétiquement programmée peut allonger la durée de vie et conduire à des changements graduels de phénotype.

Chez le ver C. elegans, il existe une forme de résistance : le dauer. Chez ce nématode, les voies de développements alternatives dépendent de la concentration d'une phéromone indicatrice des stress environnementaux, comme la privation, la surpopulation et la haute température. Dans l'état de dauer, les vers peuvent vivre plus de six mois plutôt que les quelques semaines habituelles de leur vie adulte.

Le clonage de ces gènes daf (daf-2 défectif de la forme dauer ; daf-2 et age-1 mutants constitutifs) a permis de découvrir de nouvelles voies de signalisation pour régler le développement du dauer. Daf-2 code pour un récepteur insuline-like. Age-1 est un homologue de PI-3 kinase. Daf-16 est un membre de la famille à 3 têtes des facteurs nucléaires de transcription (agit négativement sur la cascade de PI-3 kinase). L'allongement de la durée de vie peut être en partie due à l'activation d'un large éventail de défenses cellulaires chez l'adulte qui combattent le stress oxydatif et autres dommages.

Récemment, un rôle pivot a été attribué à certains gènes de levure. Ces gènes fonctionnent comme des intégrateurs centraux entre la croissance cellulaire et la division cellulaire. Ils agissent comme un senseur des nutriments.

Le fait que ces voies du développement puissent manipuler la durée de vie du ver adulte suggèrent que les programmes génétiques pourraient réguler le rythme du vieillissement de façon plus générale.

Polymorphisme et longévité

Covelli et al. [15] ont montré que la réponse anticorps, un trait polygénique chez la souris, est corrélé avec la longévité. Takada et al. ont montré que des sujets japonais âgé de 90 ans et plus ont une très basse fréquence de HLA-DRw9 et une augmentation de la fréquence de DR1. Une haute fréquence de DRW9 et une basse fréquence de DR1 ont été associées avec des maladies à déficience immunitaire.

L'apolipoprotéine E (ApoE) et l'enzyme de conversion de l'angiotensine (ACE) ont été associées avec la longévité humaine. Schächter a montré que Apo E4 est associée avec une espérance de vie courte. L'isoforme E4 de ApoE étant corrélée avec une plus grande susceptibilité aux maladies coronariennes et à la maladie d'Alzheimer, il n'est pas difficile de comprendre pourquoi la présence d'ApoE4 est associée à une espérance de vie plus courte. La haute fréquence d'ApoE2 chez les longévites est inattendue eu égard à ses effets hypertriglycéridémiques.

De façon surprenante, une forme du polymorphisme du gène ACE (DD) qui a été identifiée comme facteur de risque pour les maladies myocardiaques a été associée à l'augmentation de la longévité dans l'étude des centenaires de Schächter. Actuellement, cette affirmation semble remise en cause car elle repose sur un assemblage géographiquement hétérogène des groupes de centenaires [16].

Une hypothèse récente [17] a été avancée pour expliquer ce phénomène par une mutation qui exercerait à la fois des effets négatifs et positifs. Le polymorphisme du gène de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (ACE) qui agit par insertion-délétion (I/D) a un effet sur la taille du cœur. L'allèle D est lié à un « gros » cœur, comparé avec l'allèle I comme cela a été montré chez un modèle de fratrie modifiée. Cet effet délétère potentiel est contrebalancé par une association de l'allèle D avec une plus grande variabilité du rythme cardiaque, qui a des effets potentiellement bénéfiques. Ces travaux ont été tirés des observations d'une cohorte d'octogénaires allemands où l'allèle D est représenté à très haute fréquence.

Plusieurs loci ont été associés à de très rares syndromes de vieillissement prématuré chez l'humain.

Le syndrome de Cockaine est une maladie autosomique récessive caractérisée par une croissance retardée, des anomalies squelettiques et rétiniennes, une dégénérescence neurologique progressive, une photosensibilité et une apparence de sénilité précoce. Elle serait provoquée par une mutation d'un gène (ERCC-6 ou ERCC-3) qui retire une large gamme de lésions induites par les UV.

Un autre syndrome, ataxia telangiectasia, est un désordre récessif autosomique dont les caractères comprennent une ataxie cérébelleuse progressive, des télangectasies, spécialement sur la conjonctive, une infection sinopulmonaire, un grisonnement prématuré des cheveux, une grande facilité à développer des tumeurs et une intolérance au glucose. Cette maladie est provoquée par une mutation dans le gène ATM qui code pour la PI-3 kinase. Il faut noter qu'un homologue de ce gène chez la levure, le gène TEL1 est impliqué dans la maintenance des télomères.

La mort cellulaire

Existe-t-il une connexion entre mort cellulaire et vieillissement. Les formes apoptotique et nécrotique de la mort cellulaire peuvent être contrôlées par la mitochondrie. On peut se demander si les changements mitochondriaux contribuent à la mort cellulaire. Les changements liés à l'âge dans la mitochondrie pourraient activer les mécanismes conduisant à la mort cellulaire.

Cependant, aucun résultat génétique ne supporte un rôle pour la mort cellulaire dans le vieillissement. L'invalidation génique de bcl2 ne provoque pas de phénotype sénescent.

Malgré tout, il existe des évidences de corrélation montrant que la mort des cellules est importante dans certains aspects du vieillissement. De récents travaux ont montré qu'un tiers des myocytes cardiaques ventriculaires est perdu pendant le vieillissement normal des hommes. Des maladies neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer s'accompagnent d'une perte intensive de neurones. Par ailleurs, la perte des neurones dans le vieillissement normal n'est peut-être pas aussi intense qu'on le pensait. Il reste à démontrer si des interventions géniques ou pharmacologiques peuvent inhiber la mort cellulaire, ralentir la perte des myocytes cardiaques ou neuronaux et pourraient avoir un effet bénéfique sur la fonction de ces organes.

Un autre aspect de la mort cellulaire a été de considérer que l'inaptitude à entrer en apoptose peut contribuer au vieillissement et aux maladies du vieillissement. Les fibroblastes sénescents sont résistants à l'apoptose, en particulier par leur incapacité à diminuer bcl2 et cela pourrait permettre d'accumuler les cellules sénescentes in vivo avec des conséquences délétères (cellules précancéreuses).

De futures études sont nécessaires avant que la contribution de la mort cellulaire puisse être correctement évoquée.

Contrôle systémique du vieilissement

Beaucoup des mécanismes précédents sont de niveau cellulaire. Il a été suggéré que des contrôles systémiques du vieillissement pourraient agir. Sous cet aspect, les facteurs humoraux pourraient coordonner le rythme du vieillissement dans beaucoup de tissus et d'organes.

L'exemple du nématode avec daf-2 montre que cette régulation n'est pas limitée au niveau cellulaire.

Chez la drosophile, le mutant methuselah est homologue aux gènes codant pour des récepteurs transmembranaires liés aux protéines G. Cela soulève la possibilité qu'il puisse jouer un rôle dans la transduction des signaux de vieillissement systémique [18].

Existe-il des facteurs systémiques chez les mammifères ? Un argument génétique d'un tel rôle a été proposé par le gène Klotho de souris qui code pour un facteur humoral. Les mutants klotho ont une vie raccourcie et développent plusieurs pathologies qui doivent avoir quelque relation avec le vieillissement. Chez l'homme, les estrogènes diminuent rapidement à la ménopause et l'apport en estrogènes a montré qu'ils pouvaient ralentir des processus dégénératifs, incluant atrophie dermique, ostéoporose, artériosclérose déclin cognitif. Par ailleurs, des études récentes suggèrent que le taux de mortalité diminuerait chez des femmes post-ménopausées recevant un supplément hormonal. D'autres facteurs endocriniens, incluant l'hormone de croissance (HC), la testostérone, le DHEA-S déclinent graduellement avec l'âge. Des supplémentations, a court terme, avec l'HC ont permis d'augmenter la masse musculaire, l'épaisseur de la peau et la densité osseuse.

Conclusion

La recherche des mutants de longévité à permis d'apporter une nouvelle vision des mécanismes et gènes du vieillissement. Elle permet une approche sur des bases biologiques beaucoup plus générales et plus solides. Une nouvelle ère commence pour la connaissance de la biologie du vieillissement.

Références

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source :http://www.jle.com/e-docs/00/00/C4/C5/article.phtml
 
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